Si vous êtes au moins un peu familier avec l'Ayurveda, vous avez probablement remarqué que cette ancienne science de la guérison et la médecine moderne ont des points de vue divergents sur certaines questions. Aujourd'hui, la médecine moderne n'est pas en mesure de répondre de manière définitive à la question de savoir pourquoi certaines substances ne sont pas éliminées de notre corps. On peut certes affirmer que le sang, par exemple, ne quitte pas l'organisme car il constitue l'un de ses tissus. Cependant, l'urine, qui n'est pas un tissu mais un déchet, doit être éliminée. Contrairement à la médecine contemporaine, l'Ayurveda offre une description détaillée du corps humain et des principes qui régissent son fonctionnement. Dans ce but, en Ayurveda est utilisée la théorie « dosha-dhatu-mala ». Qu'est-ce que c'est que ce concept ? Quels types de dhatu existent et pourquoi sont-ils nécessaires ? Sur ces et d'autres questions nous répondons dans notre matériel d'aujourd'hui.

Théorie « dosha – dhatu – mala »

La théorie dosha-dhatu-mala décrit le fonctionnement du corps humain. Vous connaissez certainement déjà le concept de « dosha » en Ayurveda, nous n'allons donc pas nous attarder sur ce sujet. Rappelons simplement que les trois doshas sont des substances immatérielles qui façonnent le corps physique. Elles se manifestent dans des proportions différentes chez chaque individu : chez l'un prédomine Vata, chez l'autre Kapha. C'est sur la base de ces informations que le spécialiste en Ayurveda détermine le traitement et prescrit un régime alimentaire. L'objectif du médecin est de rétablir l'équilibre entre les trois doshas.

Le terme suivant dans le concept examiné est « dhatu ». En sanskrit, ce mot se traduit par « tissu ». En médecine basée sur les preuves (ou médecine scientifique), il existe un terme analogue : « tissu ». La médecine distingue quatre types de tissus : nerveux, épithélial, musculaire et conjonctif. L'Ayurveda, quant à elle, entend par ce terme une substance qui remplit diverses fonctions dans le corps humain. Une attention particulière est accordée à ce terme dans l'œuvre du sage Charaka, la « Charaka-samhita ». On y lit : « La tâche principale de l'Ayurveda est de maintenir l'équilibre des dhatus. »

Selon Charaka, les dhatus peuvent être déséquilibrés par les habitudes de vie et les facteurs externes. Un élément est considéré comme un dhatu tant qu'il reste dans le corps ; une fois éliminé, il devient un mala (déchet). Tout ce qui est évacué et ne contribue plus à l'activité de l'organisme est un mala. Les composants intrinsèques du corps ne sont pas des malas. L'Ayurveda préconise un équilibre des malas : leur présence en quantité modérée est nécessaire. La « Charaka-samhita » affirme : « Dosha dhatu mala mulam hi shariram », ce qui signifie : « Les doshas, les dhatus et les malas sont les racines du corps. »

Dès lors, il apparaît clairement que dans la « triade » que nous venons de décrire, aucun élément n'est plus essentiel qu'un autre. L'équilibre de chacun des trois composants est indispensable pour assurer la protection de l'organisme contre les maladies.

Qu'est-ce que le dhatu ?

Selon les textes ayurvédiques, les dhatus sont bien plus que de simples tissus biologiques. Ils jouent un rôle crucial dans le maintien de l'équilibre et du bon fonctionnement de l'ensemble de l'organisme. Intégrés à l'enveloppe corporelle (sharira), aux côtés des doshas et des malas, ils en sont des composants essentiels. Un déséquilibre des dhatus peut avoir des conséquences graves, allant de la maladie jusqu'à l'issue fatale. Vasant Lad, un médecin ayurvédique renommé, dans son livre « L'Ayurveda pour les débutants », les compare à des éléments de construction, soulignant ainsi leur importance structurelle et fonctionnelle.

L'équilibre des dhatus est indispensable au bon fonctionnement des organes vitaux. Ils jouent un rôle essentiel dans la stabilité des fonctions de défense de l'organisme, et notamment dans le maintien d'une forte immunité. Le processus de formation et de développement des dhatus est visible dès la vie intra-utérine : chez l'embryon, l'apparition du sang et la formation des muscles marquent le début de ce processus. Viennent ensuite les fonctions reproductrices. L'ensemble des sept dhatus se constitue pleinement au cours des neuf mois de la grossesse.

L'Ayurveda considère que les dhatus d'un enfant né prématurément ne peuvent pas se développer pleinement. Sunil V. Joshi, un expert reconnu en Ayurveda, souligne, dans son étude sur le Panchakarma, le rôle essentiel des dhatus dans le rajeunissement et le renouvellement de l'organisme, source de force pour l'être humain. Il précise que les dhatus peuvent également exister sous forme liquide. Son travail explique également la cascade de leur formation : le sang (rakta) donne naissance aux muscles (mamsa), puis à la graisse (meda) et enfin aux os (asthi), le dhatu le plus dense.

Types de dhatu et leur origine

Examinons chacun des sept dhatus séparément.

  • Le Rasa Dhatu maintient les fluides dans notre organisme. Dans le corps humain, il se forme en cinq jours. L'élément dominant est Jala Mahabhuta. Bien que le rasa imprègne l'ensemble du corps, il est principalement localisé dans le cœur et les veines. On établit un lien entre le rasa et Vata. La transformation du rasa en rakta s'opère grâce à Ranjaka Pitta.
  • Le Rakta Dhatu assure le maintien du sang et du système circulatoire dans l'organisme. Sa formation prend 10 jours. Il constitue l'un des éléments corporels où s'expriment les cinq mahabhutas. Bien que le sang irrigue l'ensemble du corps, l'Ayurveda le localise principalement dans la moelle osseuse et le foie. Le sang est source de vie.
  • Le Mamsa Dhatu est responsable de l'activité musculaire. Il contribue au bon fonctionnement du Meda Dhatu et nous confère tonus et force. La formation des muscles dure 15 jours.
  • Le Meda Dhatu correspond au tissu adipeux. La formation de la graisse dans l'organisme prend 20 jours. Contrairement à certaines idées reçues, la graisse est essentielle à notre corps : elle assure l'hydratation et l'isolation des organes. L'existence même des autres dhatus en dépend, et le Meda est la source de cette graisse vitale.
  • L'Asthi Dhatu est responsable du maintien du tissu osseux dans l'organisme. Il est considéré comme le plus résistant et le plus dense des sept dhatus, et sa formation dure 25 jours. Il soutient également l'activité du Majja Dhatu.
  • Le Majja Dhatu régit le fonctionnement de la moelle osseuse et du système nerveux. Sa formation dure 30 jours. L'absence de Majja compromet une vie longue et en bonne santé, car il est essentiel à l'activité du Shukra Dhatu.
  • Le Shukra Dhatu régit les fonctions de reproduction. Ce dhatu ne se forme qu'à la maturité. Il incarne la virilité chez l'homme et le pouvoir de séduction chez la femme. Il est donc lié à la production des spermatozoïdes et des ovules. On considère qu'il s'atrophie avec l'avancement en âge.

Nous avons déjà vu que les dhatus sont étroitement interconnectés. Il est crucial de souligner leur rôle majeur dans le diagnostic des affections. Ils sont parfois utilisés comme alternative aux doshas, permettant ainsi de déterminer le prakriti du patient lorsque la méthode d'évaluation habituelle ne fournit pas de résultats concluants. Par ailleurs, le déséquilibre d'un seul dosha peut engendrer les premiers signes d'une maladie, ce qui offre une opportunité de prévention.

Il ne faudrait pas croire à la possibilité d'un auto-diagnostic. Si une première auto-évaluation des doshas ne donne pas de résultats clairs, on pourrait être tenté d'utiliser les dhatus pour s'auto-diagnostiquer. C'est une erreur à ne surtout pas commettre. Seul un médecin compétent est habilité à établir un diagnostic. En cas de malaise, l'automédication est à proscrire : une consultation médicale est indispensable. Prenez soin de vous et de vos proches.